Jean de Malet : un photographe avec la foi
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Aujourd’hui, je vous propose une toute nouvelle chose pour moi, la rédaction d’un portrait d’un photographe autour de différentes questions que j’ai pu lui poser. Ce premier photographe est Jean de Malet qui est photographe de mariage et co-fondateur de l’École de Malet, une école de photographie. Au travers de sa foi catholique, il va nous expliquer en quoi consiste son métier sous différents angles qu’ils soient techniques, philosophiques ou entrepreneuriaux. Bonne lecture !
Le début
Pour toi, qu’est-ce que la photographie de mariage ?
La photographie, c’est l’art de peindre avec la lumière. Le mariage, quant à lui, scelle l’union sacrée d’un homme et d’une femme devant Dieu, pour bâtir un foyer. Celui-ci étant empreint de valeurs chrétiennes, il accueille les enfants qui en seront le fruit. Ainsi, pour moi, la photographie de mariage doit représenter quelque chose de divin qui se passe dans la vie de deux personnes grâce à la technique humaine. Ça devient intéressant car on ne peut pas la considérer comme de la photographie de sport ou de produits. Je pense qu'on passe à côté de ce qu’est réellement la photographie de mariage. Elle doit se mettre au service de ce qui compte le plus dans cette journée : l’échange des consentements et surtout de la consécration. Cela, les catholiques traditionalistes l’ont bien compris, même si je n’en suis pas un moi-même. Ils passent peu de temps sur l’échange des consentements en début de messe, mais une grosse majorité sur la consécration. Ça choque beaucoup de personnes qui ne connaissent pas ces traditions. Pour elles, l’échange des consentements et des alliances est le moment le plus important. Ce geste n’a de sens qu’en tant que sacrifice d’un époux pour l’autre. C’est l’image de « Je me donne à toi » et de « Je te reçois », ce qui est en écho avec la consécration qui révèle le sacrifice du Christ pour les hommes. Ainsi, le photographe de mariage doit idéalement capturer cette union sacrée et toute la joie qui l’entoure, tant avant qu’après la cérémonie. Pour moi, c’est vraiment le plus important dans la mission photographe de mariage.
Comment devient-on photographe de mariage en général ?
En général, on ne passe pas par une école. La plupart des gens se forment seuls ou avec d’autres photographes de mariage. Ça passe souvent par des amis qui ont besoin de photos pour leur mariage. Le mieux reste toujours d’être accompagné par un photographe expérimenté, de se faire la main, de suivre des cours et de pouvoir concrétiser cela par la suite.
Quel est ton parcours ?
Pour moi, c’est exactement ça. Je suis tombé fou amoureux de la photographie en parallèle de mes études. Je faisais un master de commerce, qui est une chose qui n'a fondamentalement rien à voir, mais j'ai toujours été animé par l’art. Depuis quelques années, j’avais lancé une activité de pianiste. Je vendais de la musique pour des grandes banques de musiques en ligne, notamment Sony et d’autres qui en avaient besoin pour leurs films ou d’autres choses du même genre. Pendant le confinement, je n’ai fait que de la photographie. J’ai passé des centaines et des centaines d’heures à prendre tout ce que je pouvais, à sortir le soir alors que je n’avais pas le droit pour prendre des photos de nuit et m’entraîner. Le second confinement s’est passé avec un grand nombre d’amis, ce qui m’a permis de me faire la main, prendre des portraits, etc. À la fin des confinements, je me suis retrouvé avec un catalogue Lightroom de plusieurs centaines de milliers de photos. J’avais passé mes jours et mes nuits à faire ça à côté de mes études à distance, et de mes autres activités comme les scoutisme. Fondamentalement, cela m’animait profondément. J’ai également eu l’occasion d’accompagner quelques photographes sur des mariages et de me faire la main. Suite à cela, on m’a fait confiance pour couvrir un mariage, où le couple a été ravi, ainsi, leurs amis m’ont demandé de photographier leur mariage. Je partageais mes photos sur Instagram, ce qui a suffit avec le bouche à oreille à me permettre de couvrir plus de 70 mariages depuis mes débuts et j’y trouve toujours autant de joie ! L’an dernier, j’ai fini un master de développement commercial à l’IAE et j’ai lancé une école de photographie avec Anne RUSSOCKI. Cette école est l’Ecole de Malet ; l’an dernier nous avons passé le plus clair de notre temps à former des élèves dans un programme Beta pour tester notre capacité à former des photographes. L’an dernier a été très prometteur et le lancement officiel, cette année, nous a permit d’accepter deux fois plus d’élèves pour les aider à se développer et donner du sens à leur travail de photographe. On n'enseigne pas que de la technique, on enseigne aussi une manière d’être. On leur permet d'avoir un réseau et surtout, on veut leur permettre d'apprendre à se vendre, à trouver des mariages.
Pratiques-tu d’autres styles de photographies ?
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Je fais surtout de la photographie d’événements parce que ce que j’aime photographier, ce sont les interactions entre les humains et la foi. Par ailleurs, je travaille pour le diocèse de Bordeaux en tant que photographe officiel. J’ai travaillé également pour le Gala de l’École Navale qui est l’école des officiers de la Marine (😉). Mon projet est de former des élèves parce que photographier des humains, c’est marrant, mais enseigner à des humains comment photographier des humains, c’est encore plus drôle. Pour ce qui est des styles photographiques à proprement parler, je fais de la photographie de rue, d’immobilier et je travaille de temps en temps pour des petits créateurs.
Qu’est-ce que tu aimes et aimes moins dans ton métier ?
« Rencontrer des gens ». Évidemment, j’aime faire des photos, même si dans la photographie de mariage, il y a une part de répétition d’un évènement à l’autre. Principalement, j’aime découvrir des familles dans l’un des jours les plus importants de leur vie où ils sont « quasiment à nu » avec leurs émotions. Moi, je les accompagne en figeant ça pour les moments plus difficiles de leur vie et pour qu’ils puissent se souvenir de la beauté de ce qu’ils ont vécu. Ça ne passe pas par des émotions ou d’autres choses similaires, mais par le fait que c’est le Christ qui les a unis ce jour-là et qui leur a donné cette grâce, donc il faut pouvoir se concentrer sur ça plutôt que le reste. Quand je photographie une messe, c’est vraiment « Messire Dieu, premier servi » qui me vient à l’esprit.
« Messire Dieu, premier servi »
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Ainsi, je m’efface. Je dois être le moins visible possible. Quand la messe est passée, le plus important est passé, ça peut éclater de joie, de couleurs. C’est, à ce moment, que je m’amuse à avoir des interactions avec les gens, mais avant, j’aime être une petite souris et me cacher dans un coin. Ça permet de ne pas dénaturer ce moment et que les mariés puissent vivre pleinement l’essentiel. C’est ce que j’aime le plus. Quant à ce que j’aime un peu moins, c’est le paradoxe qu’il y a dans le regard des gens entre ceux qui vont aduler le photographe et ceux qui le voient comme « un travail de troubadour ». Ça a été le même problème pour les youtubeurs, d’autres professions comme les journalistes, les musiciens, etc. Ça fait partie des métiers que les gens ne connaissent pas encore, ils ne savent pas que l’on peut en vivre. C’est un métier intense, dense, exigeant, la photographie de mariage, ce n’est pas « les doigts de pieds en éventail ». Ce travail est récompensé de beaucoup de joies, d’avoir un métier concret, avec un début et une fin à chaque projet.
Le Matériel
Quels boîtiers utilises-tu pour réaliser tes prestations ? Pourquoi ceux-ci ?
J’utilise des boîtiers Canon parce que les couleurs sont meilleures, l’ergonomie est au top, c’est fiable, l’autofocus est bon. L’inconvénient est que c’est plus cher que certaines marques moins cotées. C’est aussi une question de préférence car les marques se valent de plus en plus entre elles. Si on veut vraiment avoir du matériel qui fait le travail, si on tient aux couleurs, à la polyvalence et à la fiabilité du matériel, c’est Canon ou Nikon ainsi que Sony pour tout ce qui touche à la vidéo. Mes boîtiers sont deux Canon R6 qui sont des hybrides aboutis et qui me permettent de faire mon travail. Certes, ils n’ont pas les dernières fonctionnalités, mais ils font très bien le travail. Je n’ai pas besoin des 45 Mpx du R5 ou R5 Mark II, c’est du plein format, donc ça me convient. Pour le côté personnel et sans prise de tête, j’utilise un Ricoh GR3, c’est un appareil photo compact. Quand je me balade avec, personne ne me prend au sérieux, mais la netteté et la qualité d’image sont folles, même si la mise au point n’est pas extraordinaire.
Quels objectifs utilises-tu ? Pourquoi ceux-ci ?
Pour ce qui est des objectifs, pendant trois ans, j’ai tout fait au 35 mm f1.4 et 85 mm f1.4 avec les deux boitiers en bandoulière de chaque côté. Récemment, j’ai fait évoluer mon matériel pour un 15-35 mm f2.8 en mettant le 35 mm à la retraite. Celui-ci me permet d’avoir une très grande polyvalence lorsque quelque chose de très rapide se déroule. Le 85 mm me permet d’avoir les choses de loin. De plus, le 15-35 mm me permet de ne pas rester bloqué à la focale 35 mm et d’utiliser ma focale préférée qui est le 28 mm. Autrement, en revenant au 15-35 mm, je me suis rendu compte d’une vraie évolution dans mes compositions d’images en les rendant plus dynamiques. L’inconvénient est d’avoir un peu plus de profondeur de champ à pleine ouverture. Par exemple, cela me permet de faire des compositions avec un sujet à droite et un sujet à gauche du cadre où les deux personnes se répondent par une interaction inattendue ou logique. Cela donne un côté humoristique ou équilibré en fonction du contexte. Je l’utilise comme une focale fixe en réglant le zoom avant de le pointer vers mon sujet. Cela peut paraître bizarre, mais lorsqu’on pointe l’objectif vers le sujet, on n'a que deux secondes avant que celui-ci ne se crispe et modifie son comportement en nous voyant. Si on veut avoir une scène sur le vif, il faut utiliser des focales fixes ou un zoom en connaissant bien chaque cran de zoom de cette focale. Vous pouvez remarquer aussi que je n’ai que très peu d’objectifs contrairement à une autre période où j’en avais 7 ou 8. Ce choix, je l’explique par le fait de mieux connaître mon matériel pour être plus polyvalent et surtout pour ne pas me poser de questions sur quels objectifs j’utilise. C’est la même chose pour le choix d’avoir deux fois le même boîtier. Je peux passer de l’un à l’autre sans problème. Je n’ai pas d’autres objectifs car je n’ai pas envie de devoir réfléchir à quels objectifs choisir pour faire telle photographie, courir chercher cet objectif à mon sac et finalement que ce que je voulais prendre en photo ait bougé. Sinon, une autre possibilité que je vois, c’est d’avoir un seul appareil sur soi en bandoulière avec une petite sacoche contenant 2 ou 3 objectifs dedans pour pouvoir les changer quand on le sent. Bien sûr, en les gardant tout le temps sur soi, c’est le mieux.
Utilises-tu un flash pour prendre tes photos ? Si tu en utilises un, simplement comment cela-fonctionne-t-il ?
Oui, j’en ai donné la définition au tout début. Le fait de photographier, c’est peindre avec de la lumière. C’est comme un peintre, si on lui enlève ses tubes, il ne peut plus peindre. C’est la même chose avec un photographe. Un flash en pleine journée, ça peut permettre de compenser la direction de la lumière du soleil que tu ne contrôles pas totalement. Personnellement, je fais beaucoup de photos à l’aide d’un flash cobra de jour pour déboucher les ombres lorsque j’en ai besoin. Autrement, je me déplace partout avec un flash studio sur batterie pour avoir la puissance nécessaire, surtout de nuit. Les grandes salles ou les photos de groupe à l’extérieur ont besoin de ça. Avec un flash, on peut modifier la perception de ce que l’on voit sur une image grâce à la direction que la lumière prend, sur quoi elle rebondit, etc. Beaucoup de personnes qui débutent dans la photographie l’entendent, mais ne le croient pas. La réussite d’une image, c’est 80 % de lumière, 15 % d’optiques et 5 % de boîtier. Pour cela, il faut l’expérimenter. Quand on maîtrise bien la lumière artificielle, on peut grâce à des flashs studios faire ce qu’on appelle « éteindre le soleil ». C’est réorienter la source de lumière principale. Personnellement, je n’utilise pas de flash dans l’église pour le côté philosophique que j’ai décrit avant. Je ruse donc pour trouver d’autres techniques, contrairement aux séances couples, où j’envoie le flash puissant s’il faut.
As-tu des accessoires en particulier que tu utilises ? Si oui, lesquels et pourquoi ?
Oui, j’utilise un drone DJI Mavic Mini 4 Pro qui est exceptionnel pour avoir des plans de vue aériens. J’ai une batterie externe pour pouvoir recharger mon téléphone ou mon appareil photo au cas où. J’ai également une bague macro pour pouvoir faire des photos de très près comme une bague ou autres. J’ai aussi un stock de batteries d’appareils photo. J’ai une caméra d’action pour mettre sur mon torse pour pouvoir faire des réels sur Instagram. Et deux autres choses plus insolites, mais aussi importantes qui sont des épingles à chignon et des paquets de mouchoirs pour la mariée qui sont contentes que je sorte cela au moment venu.
Pour toi, le matériel influe-t-il vraiment sur la qualité/beauté de l’image ?
Tous droits réservés : Jean de Malet
Il y en a beaucoup qui pensent que le matériel fait tout ou ne compte pas. Si on prend une personne lambda dans la rue et qu’on lui donne une Formule 1, il est incapable de gagner une course du fait de son manque de niveau et d’expérience. Inversement, si je prends le champion du monde de Formule 1 et que je lui donne une Twingo pour battre d’autres concurrents qui ont eux des Formules 1, je lui souhaites « Bonne chance ». Il faut combiner un bon matériel et des compétences techniques pour avoir une chance. C’est la même chose avec un photographe et son appareil photo. Si je laisse mon appareil photo à un débutant, il n’en fera pas grand choses sans entraînement. Un débutant qui débute avec du mauvais matériel qui apprend à faire de la photo avant de faire évoluer son matériel, aura à terme probablement un bien meilleur niveau qu’en commençant directement avec du bon matériel qui aura masqué certaines de ses failles.
Qu’est-ce qui est le plus important dans le matériel pour toi quand on débute ?
Pour moi, la priorité est d’apprendre à bien maitriser le matériel que l’on a déjà. Intuitivement, les débutants pensent que l’appareil photo joue le rôle principal en terme de qualité d’image, alors que l’essentiel repose sur les objectifs (lumière, contraste, bokeh, piqué, focus, etc). Le plus souvent, cela se réglera donc par de bonnes optiques et une meilleure compréhension de la lumière.
La Relation entre les mariés et le photographe
Comment déterminer le bon prix pour une prestation de mariage ?
C’est très complexe et ça dépend de nombreux critères comme le expérience, la qualité du travail, etc. Une chose est sûre, le prix d’une prestation de mariage dépend de qui est-ce que l’on vise et du signal que l’on veut envoyer. Si on vise le haute-gamme, la prestation doit être adaptée à leurs attentes, et les tarifs s’aligneront sur le travail nécessaire à les atteindre. Inversement, si on vise de l’entrée de gamme, il faut avoir tout le reste qui va avec. C’est la cohérence de ce qu’on propose qui est importante. Par exemple, lorsqu’un client fait un achat Wish ou Dior, il n’attend pas la même chose. Il peut être très satisfait d’une montre achetée 2 € sur Wish car elle fonctionne et que le bracelet ne s’est pas cassé la première année. Inversement, on peut être déçu par une trace de doigt sur la lunette de montre Dior. En bref, la mission d’un photographe est très différente en fonction de la clientèle qu’il sert. On débute en photographie, on fait un métier très différent de ce que fait un photographe qui a 5 ou 10 ans d’expérience fait. Le prix se fixe en fonction de ce qu’on peut apporter, de qui est-ce que l’on vise, de la qualité de notre travail, etc.
Quel est ta stratégie pour trouver des clients ?
J’ai beaucoup commencé par les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille. Aujourd’hui, c’est le bouche-à-oreille qui a pris le dessus. Je continue tout de même de partager mon travail sur les réseaux sociaux.
Choisis-tu les clients avec lesquels tu travailles ? Si oui, comment et pourquoi ?
La plupart du temps, j’ai souvent plusieurs couples qui me demandent de travailler pour eux sur les mêmes dates, et comme je ne peux pas me dupliquer il faut choisir. Même quand j’ai des demandes pour une date à laquelle je suis disponible, je prends toujours le temps de vérifier le feeling que j’ai avec ces fiancées. Il m’arrive régulièrement de refuser des demandes par la simple et bonne raison que ce n’est pas la clientèle que je vise. Ce que je cherche en priorité, c’est un couple catholique qui se marie d’abord devant Dieu. Ainsi, le photographe de mariage n’est pas la première chose à laquelle ils pensent en se mariant. Si je vois qu’ils se marient avec tout leur cœur et qu’ils ont la foi chevillée au corps, je signe directement. Évidemment il y a aussi les contraintes géographiques, les demandes spécifiques, etc. Quand j’ai plusieurs couples et que je dois choisir, je les appelle tous et je passe du temps avec eux, et parfois, j’ai un signal qui me permet de savoir que je dois aller plus vers un couple qu’un autre. Je choisis mes mariés comme je choisis mes amis. C’est très dépendant de si je peux leur faire confiance, rire avec eux, etc. Si je sens tout ça au bout de quelques minutes d’échanges, non seulement je suis très heureux d’aller photographier leur mariage, mais il est même courant qu’ils deviennent des amis après. C’est une chance de pouvoir choisir les couples avec lesquels je travaille.
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Comment avoir une bonne expérience client ?
Une bonne expérience client, c’est recevoir beaucoup plus que ce que l’on s’attendait à recevoir. Quand on a un photographe, on s’attend à recevoir de bonnes photos et qu’il se comporte correctement. Aller au-delà, c’est faire de très bonnes photos, ajouter des extras. Moi, je rajoute le drone en prestation, je travaille souvent plus tard que ce que promet, j’y mets tout mon cœur, je me plie en quatre pour mes mariés, je donne le meilleur de moi-même. Plus important encore que cela, c'est l’attitude que l’on a. Être drôle, disponible, énergique, souriant, discret, content est essentiel, même quand on à la tête à autre chose. De plus, quand on arrive à trouver le petit truc qu’il faut pour arriver à consoler, à guider, à rassurer, à tenir le programme qu’ils avaient prévu pour la journée, ce sont des choses inestimables, du savoir-être. C’est une des raisons pour lesquelles, j’ai si souvent des personnes qui viennent me voir en mariage me demander de photographier le leur parce qu’ils ont aimé le contact qu’on a eu ce jour-là, sans même avoir vu mes photos. Les photographes obsèdent beaucoup sur la qualité des photos. Certes, c’est important, mais le plus important, c’est le savoir-être du photographe qui vaut beaucoup plus.Il faut être capable de se plier en quatre pour ses clients car ils vont parfois avoir des demandes un peu particulières et il faut être capable d’y répondre. C’est une grosse part de ce qui va faire la différence dans leur expérience client.
La Prise de photos
Comment se déroule ta prise de photos lors d’un mariage ?
Tous droits réservés : Jean de Malet
Je segmente la journée du mariage en deux parties que je nomme. La première, c’est « Messire Dieu, premier servi », et la deuxième, c’est « Beau, clair, joyeux ». Elles trouvent leur origine pour la première dans les paroles de Jeanne d’Arc et pour la deuxième dans les mots d’ordre du scoutisme. Lors la première dure lors des préparatifs à la messe et je veux que l’accent soit mis sur le Seigneur qui s’incarne à ce moment-là. Je découvre les familles, je me fais discret et je fais en sorte que les mariés puissent vivre ce moment au maximum. Pendant la messe, je ne change rien à mes habitudes, je participe aux chants, je prie avec les mariés, je m’agenouille à la consécration (même si c’est en prenant des photos) et je communie à la fin. Je fais de mon mieux pour rester discret et participer à la prière de l’assemblée. Les catholiques cherchent des photographes qui leurs ressemblent pour éviter de se retrouver avec quelqu’un qui reste planté debout à côté de l’autel. Quant à la seconde partie, je veux que mes photos de mariage soient belles, claires et joyeuses. Il y a eu la période du moody avec des photos un peu sombres et mélancoliques, cela a un certain charme, mais les photos de mariage doivent représenter la joie et non l’enterrement. C’est pour cette raison que je veux que mes photos soient belles, claires et joyeuses. Après la messe, les gens se lâchent en lançant des pétales de roses ou des confettis. C’est à ce moment-là que la journée bascule dans la réjouissance du moment passé. Les photos doivent le représenter fidèlement.
Comment et pourquoi restes-tu discret en mariage pour saisir l’instant parfait ?
C’est essentiel de capter certains regards ! Tout d’abord, il faut bien connaître son matériel pour ne jamais perdre de temps lorsqu’on pointe son appareil vers quelqu’un. Peu importe le matériel que l’on a, cela ne change rien. Quand on arrive à faire ça, c’est plus challengeant et on s’éclate. Avec de l’entraînement, on devient également meilleur en composition. Pour ça, il faut voir beaucoup de tableaux et de livres photos. Cela permet d’ancrer des compositions dans le regard artistique que nous avons et doit devenir inconscient.
Comment t’organises-tu pour faire poser les mariés tout en les gardant naturels ?
J’essaye autant que possible, en commençant par nouer du lien avec eux, c’est toujours plus facile de poser avec un ami. Certains sont moins à l’aise, ils ont besoin qu’on les fasse poser. Il faut avoir des idées de poses, il ne faut pas faire de blancs, il faut faire des petites blagues. D’autres sont plus folkloriques et détendus, et il faut en profiter en leur laissant la marge de manœuvre pour que ce soit vraiment eux en photo et pas un version «enfant sage». Pour voir ça concrètement, l’idéal est d’accompagner des professionnels. C’est le meilleur moyen de grappiller des idées ça et là et de les faire nôtres. C’est comme beaucoup de choses, cela devient un exercice bien rodé au bout d’un certain temps.
Comment gardes-tu un œil artistique sur toute la durée du mariage ?
Bonne question ! Pour contextualiser, un photographe de mariage aura des prestations d’une quinzaine d’heures environ. C’est hyper intense, et aucun humain ne peut rester focalisé pendant tout ce temps-là. Certes, la passion aide grandement, mais on ne peut pas attendre l’inspiration divine pendant une journée de mariage. Ce qui fait beaucoup la différence, c’est de pouvoir s’appuyer sur les automatismes que l’on a appris. Quand on ne se bat plus avec son appareil photo en mariage, on peut commencer à se concentrer sur la composition. Quand on ne se bat plus avec la composition, on peut commencer à se concentrer sur l’interaction humaine. Quand on ne bat plus avec l’interaction humaine, on peut aller encore plus en profondeur sur la composition artistique. Il faut d’abord apprendre à faire des bonnes photos avant de chercher à faire des choses créatives, originales. Certaines écoles d’art moderne pensent que c’est l’inverse et qu’il faut aller prendre son iPhone et aller réaliser des chef d'œuvres. Outre la pensée que tout se vaut, il y a l’incompréhension que quelque chose d’original ou de créatif peut briser des codes ou certaines règles. Mais pour aller à l’encontre de celle-ci, il faut déjà les maitriser et les connaître. Il faut d’abord être élève, comme dans toute chose, en commençant simplement. Dans un mariage, on se repose sur ça en faisant d’abord les choses bien en ayant fait les essentiels. Pour rappel, on ne fait pas les photos pour nous, mais pour les mariés qui veulent de belles photos de leur mariage. Quand on a assuré l’essentiel, on peut s’amuser à faire des choses créatives et originales. Certaines de ces nouvelles choses peuvent même à terme faire partie de notre style.
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Qu’est-ce que tu préfères immortaliser lors d’un mariage ?
C’est la consécration, les familles qui s’éclatent et du beau. Le beau est ce que je préfère immortaliser de loin. Cela se retrouve dans les gens qui vivent la messe, des prêtres qui font des belles homélies, des mariés qui s’aiment sincèrement et qui sont prêts à se donner l’un pour l’autre. Un des plus beaux mariages que j’ai photographiés est avec l’un des couples, le plus âgé que j’ai eu. Ils se sont rencontrés très tard, mais leur mariage était splendide.
Après le mariage
En moyenne, combien de photos prends-tu au cours d’un mariage ?
Je prends en moyenne entre 3000 et 7000 photos par mariage et j’en rends entre 600 et 1000. C’est très variable en fonction du nombre d’invités et de belles choses à prendre en photos. Il m’est arrivé de rendre des galeries avec plus de 1000 photos car il y avait de belles choses à prendre en photo dans la journée, qui étaient nécessaires, qui racontent une histoire et qui étaient cohérentes les unes avec les autres. Je ne rends jamais deux photos qui se ressemblent. Le but est que l’on puisse s’arrêter devant chaque photo en pensant que l’on pourrait la garder pour l’imprimer.
Généralement, commences-tu à retoucher tes photos dès le lendemain ou attends-tu un peu ?
Je le fais dès le lendemain, pour que ça soit aussi frais que possible. Tant que c’est frais, je me souviens dans quel contexte j’ai pris cette photo, de ce que j’ai vu, de ce que je m’étais imaginé en post-production.
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Comment fais-tu pour trier puis retoucher toutes les photos que tu as prises ?
Depuis peu, je trie et je retouche sur Capture One. Je ne reviendrais en arrière pour rien au monde. Le moteur de dématriçage de Lightroom est beaucoup moins bon, pour traiter des photos en profil linéaire, il n’y a rien de mieux. Avant, j’utilisais la retouche sur Lightroom Classic comme tous les photographes sur cette Terre. Il est vrai que j’utilise aussi d’autres logiciels et des extensions. C’est aussi une histoire de préférence. Les deux logiciels sont extrêmement puissants pour faire beaucoup de choses lors de la retouche. Dans les cours de l’école de Malet, j’ai créé un manuel de 180 pages sur l’utilisation de Lightroom. Il est vrai qu’en 15 pages, on peut apprendre à utiliser Lightroom, mais dans les 180 pages, je vais dans les profondeurs de tout ce que le logiciel peut faire. Il y a plein de scénarios, il faut arriver à connaître la petite chose pour arriver à faire ce que l’on veut. En connaissant tout cela, on peut arriver à faire des trucs extraordinaires. Concrètement, c’est du tri pour garder le meilleur photo de chaque série, avec un second tri pour le sens de la photo, puis je fais la retouche et enfin, je fais un dernier tri pour vérifier la qualité de ce que j’envoie.
Pour ce qui est de la retouche, sur quel logiciel et ordinateur utilises-tu pour faire celle-ci ?
C’est un Légion Pro avec un Ryzen 7 et une 4070 de Nvidia. Ce qui fait la différence pour aller vite après un bon ordinateur et un bon écran pour voir ses couleurs correctement, c’est une bonne souris, ce qui permet d’avoir un capteur précis. Pour ceux qui font la post-production au trackpad, c’est « la peine de mort ». (Je le fais au trackpad sur un Mac. J’espère que c’est une bonne excuse, sinon je vais mourir. 😰)
Comment fais-tu pour livrer tes images et au bout de combien de temps ?
J’utilise Pixieset. Je trouve ça joli, pratique. L’abonnement n’est pas donné, mais quand c’est pour le travail, c’est vite justifié. Dans le contrat, je m’engage à les rendre en moins d’un mois. Concrètement, je les rends en moins de deux semaines car, pour moi, c’est important que les invités et les mariés puissent voir ce qui s’est passé. Je le sais car je me suis marié, il y a moins de six mois (Félicitations 🥳), cette journée passe à une vitesse que l’on doute même de si elle s’est vraiment déroulée. C’est précieux d’avoir une preuve tangible de ce qui s’est passé. C’est « un éclair dans une vie » que les photos immortalisent. Après mon mariage, cela a été important pour moi.
Les Questions plus personnelles
Comment as-tu ressenti le fait d’être du côté client ? Cela t’a-t-il appris des choses ?
Mon photographe de mariage était Cyprien Tampé, un de mes anciens élèves de l’école de Malet. Je lui ai fait confiance et il a même utilisé mon matériel. Ça ressemblait pour une grande majorité à ce que j’avais en tête, mais avec sa touche personnelle qui changeait forcément de la mienne, était rafraichissante. Du côté client, quand la personne se comporte bien, on y fait même plus attention. En étant photographe, je Redoutais de penser en permanence aux photos le jour de mon mariage, mais finalement, je n’en ai même pas eu le temps. Je suis très heureux que ce soit lui qui ait couvert mon mariage.
Tous droits réservés : Jean de Malet
BONUS :
Avec beaucoup de photographes, on parle souvent du côté boulot de la photo, mais il ne faut pas oublier que c’est avant tout une passion pour nous. Il ne faut pas se lancer pour autre chose que pour la passion dans la photographie, il faut vraiment se poser la question pour savoir si c’est une vraie passion ancrée. Si c’est le cas, on peut se lancer. Il y a de la place, contrairement à ce que disent certains photographes, si on sait ce qu’on fait, si on sait ce qu’on va chercher et si on a été formé, il est possible de se lancer. Il y a beaucoup de demandes de couples qui veulent de bons photographes pour un mariage. Un photographe, c’est beaucoup pour eux, même si ce n’est pas le plus important le jour d’un mariage. Il faut faire attention à ne pas confondre le côté travail et le côté passion. Avant tout, il faut se former. L’École de Malet a été créée pour cette raison, c’est une aventure qu’on a débuté avec Anne et qui avance à grands pas. On y a mis toute notre âme, nous n’avons rien gagné pendant un an, au contraire. On a formé pendant des heures et des heures des photographes en individuel ou en groupe dans le projet BETA. On est très fiers des résultats et des retours qu’ils nous ont fait. Ainsi, en septembre, nous allons ouvrir des places pour former des nouveaux photographes débutants ou intermédiaires qui veulent vraiment apprendre la photo et commencer à en vivre. On est fiers de leur comportement en mariage par rapport à d’autres cas dont j’ai eu écho. Parfois, j’ai honte pour notre profession et de l’image qu’ils renvoient. On a envie de changer ça en remettant Dieu au centre et en mettant tout notre savoir-faire dans des cours aussi poussés que possible. On est à près de 400 pages de cours et près d’une centaine d’heures de formation, et ce n’est que le début. 😉